On rencontre aujourd’hui encore des colporteurs chrétiens. Certes, me répondra-t-on, tout disciple de Christ qui veut témoigner de sa foi en distribuant des écrits est, d’une certaine façon, un colporteur. Un pasteur ou un évangéliste devient de temps à autre distributeur ambulant au cours de son ministère… Non ! Je veux parler ici d’hommes et de femmes qui se sont sentis poussés à consacrer des heures, voire leur vie, à aller de lieu en lieu distribuer les Écritures. Ils le font de façon bénévole, car les colporteurs salariés sont devenus aujourd’hui des exceptions.
Pour des raisons administratives et afin de mieux coordonner leurs efforts, ces volontaires se sont généralement groupés en associations comme Christ de maison en maison, Les Gédéons ou Une Bible par Foyer. C’est à ce dernier groupe que se rattache le colporteur dont nous présentons ici le ministère. Il s’appelle Jean-Maurice Thomas, c’est un retraité qui œuvre essentiellement dans le nord de l’Ille-et-Vilaine.
– Que représente pour vous la tâche du colporteur ?
– C’est un homme qui obéit à l’ordre du Christ: « Allez ! » Il va dans les carrefours, les chemins et les rues, derrière les haies, sur les places, dans les hôpitaux, les salles d’attente, les magasins, les transports en commun… Le ministère du colporteur a toujours été humble et méconnu, même par les gens religieux. Et cela le reste aujourd’hui.
Pour moi, l’animal de la Bible qui évoque le plus le colporteur est l’âne, fidèle et humble, toujours prêt à servir son maître et à porter ses bagages. Et de même que l’ânesse de Balaam pouvait parler, il communique sa foi à ses interlocuteurs.
Les lieux que je préfère pour témoigner de ma foi sont les places de marchés. C’est même devenu une passion dans ma vie. Il m’arrive d’en rêver la nuit !
– Comment faites-vous ?
– Il est difficile aujourd’hui d’obtenir l’autorisation de dresser un stand. L’association dont je fais partie, Une Bible par Foyer, fondée par Jacques Barbero en 1971, a eu l’idée d’utiliser des petits chariots de présentation, mobiles et démontables, que nous appelons des Onésiphores. Ce terme étrange vient du nom d’un assistant de l’apôtre Paul. Nous plaçons les Bibles et des traités sur ces présentoirs, avec une affichette qui propose aux passants de se servir gratuitement. Je reste à quelque distance, prêt à entamer une éventuelle conversation. Quand c’est possible, j’apporte deux ou trois Onésiphores que je place à chaque entrée du marché.
Dans d’autres cas, je le mets en évidence sur une promenade, le long de la mer, où les passants ne peuvent manquer de le remarquer.
– Les gens sont-ils intéressés ?
– Il y a quelques années, je vendais les Bibles sur les marchés à partir d’un stand fixe. C’était autorisé. J’ai vendu des centaines de Bibles. Les passants pouvaient se servir gratuitement en Évangiles, que je commandais par milliers. Et puis cela a diminué. Les temps ont changé. Un jour, seule une personne a pris un traité gratuit. Mais j’ai reçu ensuite une lettre d’elle me demandant une Bible que j’ai remise en mains propres.
Aujourd’hui, le système de la gratuité et des présentoirs mobiles (les Onésiphores !) est relativement efficace. En 2012, j’ai distribué gratuitement 929 Bibles et de nombreux Nouveaux Testaments et traités. En 2013, j’en étais à 1212 Bibles.
– Nouez-vous de bons contacts ?
– Deux ou trois fois des passants étonnés sont venus prendre la Bible en disant : « Nous la cherchions, j’en voulais une depuis longtemps ». Il m’est arrivé une quinzaine de fois d’être pris en photo avec mon présentoir. Souvent les promeneurs prennent la Bible en main puis la reposent. Un homme est venu une première fois seul, puis est repassé avec sa famille et a pris une Bible. Il s’est installé bientôt à quelques mètres du stand et s’est mis à lire pendant trois quarts d’heure. Tous les passants regardaient.
Je peux engager régulièrement des conversations fructueuses. Elles peuvent être étonnantes. Un jour, trois arabes venus du Qatar se sont arrêtés devant mon stand. Je leur ai donné un Nouveau Testament dans leur langue. Ils ont voulu le payer. Comme je parle un peu l’arabe après un séjour au Maroc, je leur ai répondu qu’il était gratuit et nous avons eu un entretien court mais intéressant.
Une autre fois, je me suis approché d’une femme qui tournait autour du stand mobile. Nous avons conversé et je l’ai vue ensuite lire la Bible sur un banc 100 mètres plus loin. Une semaine plus tard, j’ai reçu un coup de téléphone d’une de ses amies qui me demandait 8 exemplaires en m’expliquant que c’était pour un groupe de femmes qui se rassemblait pour étudier la Bible.
En 2012 et 2013 j’ai noté qu’une quinzaine de personnes rencontrées ont assisté ensuite à des réunions dans des Églises que je leur avais recommandées. Au moins une d’entre elles a témoigné s’être convertie. Je suis en contact avec quatre ou cinq autres.
– Quelles sont les difficultés du colportage ?
– Nous affrontons parfois l’hostilité. Il arrive que des Bibles soient arrachées du présentoir. En 2014 encore, j’ai été insulté deux fois, et le présentoir a été jeté à terre deux autres fois. Sur un marché, un matin, un commerçant m’a dit : « la Bible me gène ! »
Des fois, la police se méprend et croit que nous ne sommes pas en règle. Au début du mois de juillet 2012, j’ai été contraint par les C.R.S. de quitter la digue de Saint-Malo où je séjournais temporairement. Mais j’y suis retourné quelques semaines après.
Il ne faut jamais se décourager. Je suis conscient que la charge de colporteur n’est pas toujours facile. Tous les chrétiens n’ont pas cet appel. Il y a mille manières différentes de répandre l’Évangile et nous ne sommes pas appelés à faire la même chose. Mais chaque croyant doit être prêt à tout moment à parler de Dieu ou distribuer un Évangile.
Propos recueillis par Jean-Yves Carluer
Je suis » touche » par ce Monsieur qui porte la Parole de Dieu à qui veut bien s’approcher de lui , sans « fards ni lumieres », magnifique exemple de partage -Fraternellement-
Bonjour,
Je viens d’arriver sur votre blog en faisant des recherches sur mon arrière-grand-père, Joseph PONT, un Bressan de Sornay en Saône-et-Loire, né en 1831, « cultivateur et colporteur ». Un témoignage que j’ai lu, d’un de ses petits-fils, m’a lancé dans des recherches pour peut-être recueillir d’autres précisions : » C’est mon grand-père Joseph Pont qui, le premier, embrassa la religion réformée, entraînant à sa suite ses parents et ses beaux parents (note :Ses beaux-parents étaient Philibert Fichet et Marie VUILLOT), lesquels baptisés catholiques, furent inhumés protestants. » J’ai donc appris le travail des colporteurs de la Société Evangélique de Genève dans les années où mon ancêtre était jeune. Je suis très curieuse de connaître les circonstances de sa conversion au protestantisme, puis de son engagement. Car, depuis, presque toute sa descendance pratique cette religion. Savez-vous s’il existe des archives (numérisées peut-être) nominatives ?, et descriptives de l’action des colporteurs de cette époque dans la Bresse rurale ? (qui devait être bien différente de celle de 2015 dont vous avez recueilli un exemple). Ou avez-vous quelques pistes qui pourraient m’aider ?
En tous cas, merci pour votre travail !
Est-il possible d’être abonnée à votre blog ? je n’ai pas vu de lien.
Cordialement
Suzon Charbonnier, née PONT
Bonjour ! Merci de votre appréciation. Concernant votre aïeul, des archives très complètes existent (dossier individuel de chaque colporteur, correspondance, rapports, carrière, etc) dans les archives de la Société Évangélique de Genève, conservées à la Bibliothèque Publique et Universitaire de Genève. Cela vaut vraiment la peine de les contacter et d’aller sur place s’ils confirment l’existence d’un dossier individuel de votre aiëul. Bon courage !
Merci beaucoup pour votre réponse, et excusez-moi de réagir si tardivement. Je vais continuer mes recherches grâce à cette piste. J’ai appris depuis que mon grand-père Jean Baptiste (fils de Joseph) né aussi à Sornay, a été aussi colporteur jusqu’à Annonay en Ardèche, où il a rencontré ma grand-mère. En 1886 il a tenté de partir au Canada. Voulait-il y faire de l’évangélisation ??? Son projet n’a pas abouti, je ne sais pour quelle raison, puisqu’en 1888 il était à Annonay où il s’est donc marié et installé.
Mon père, à son tour, a fait du « porte-à-porte » pour distribuer des bibles.