Jean-Philippe Dardier (1831-1923)

Le pasteur Dardier a été un acteur essentiel de l’évangélisation protestante en France dans la seconde moitié du XIXe siècle. Établi à Genève, mais issu des terres huguenotes du Midi, il consacra ses forces à coordonner et organiser le colportage ainsi que diverses actions de prosélytisme religieux évangélique dans notre pays, jusque sur le littoral méditerranéen ou en Bretagne. Nous avons cité son nom plusieurs fois sur ce site.

Nous reproduisons ci-dessous l’ article paru dans la Semaine Religieuse de Genève (12 janvier 1924) à l’occasion de son décès :

« Comme tant d’autres fidèles serviteurs de Dieu, Jean-Philippe Dardier nous est venu de France, de Saint-Affrique, dans l’Aveyron, où il naquit en 18311. C’était la grande époque du Réveil. Un des centres du mouvement était Genève. De nombreux jeunes-gens, attirés dans notre ville, s’imprégnaient de la piété ardente qu’ils trouvaient dans certains milieux, puis allaient ça et là travailler pour le Seigneur. Saisi par cette influence, quand il fut en âge de le faire, Jean-Philippe Dardier vint à Genève pour y suivre les cours de l’École de Théologie de la Société Évangélique, un des principaux foyers du Réveil. Il n’oublia jamais ce qu’il devait à cette institution chrétienne. Lorsque, le 19 décembre 1913, fut célébré le 60e anniversaire de la prise de contact du professeur Louis Ruffet2 avec la Société Évangélique, il se plut à rappeler à son camarade de route « qu’ils étaient partis du même point, l’École de Théologie, et qu’ils se retrouvaient, malgré les genres différents d’occupations et de vies, au pied de la même croix d’où jaillit incessamment le ruisseau sacré qui rénère le monde ».

Ses études terminées, Dardier ne crut pas devoir se faire consacrer , soit qu’il vit dans cet acte public une forme traditionnelle dont on pouvait aisément se passer, soit qu’il appréciait particulièrement, dans l’Église, le ministère laïque dont il comprenait l’importance et prévoyait le rôle à venir. Mais il s’était consacré en tête à tête avec le Maître invisible, et nul ne le fut plus que lui dans sa longue et belle carrière d’évangéliste.

Ce fut l’évangélisation qui paraît l’avoir attiré tout d’abord. « Malheur à moi si je n’évangélise », se dit-il avec Saint Paul. Il se sentait mieux fait pour le ministère itinérant que pour le travail paroissial et sédentaire, pour les allocutions courtes et vivantes devant des auditoires divers et changeants, que pour la prédication proprement dite, avec ses exigences et ses traditions. Il n’en aborda pas moins bien souvent, au cours de ses voyages, les chaires des Églises libres qui lui furent toujours largement ouvertes.

Nous le voyons d’abord s’occupant d’évangélisation à Valence et à Lyon, puis, de retour à Genève, se mettant, dès 1861, au services de la Société Évangélique pour diriger son œuvre de colportage. Il avait trouvé la tâche de sa vie, faite pour lui et lui pour elle. Il s’y donna tout entier et, quand son grand âge l’obligea à y renoncer partiellement, il ne cessa jamais de s’y intéresser et d’y collaborer dans la mesure de ses forces. Pendant plus d’un demi-siècle, Jean Philippe Dardier dirigea ses colporteurs dans toute la France, recevant leurs rapports, correspondant avec eux, allant périodiquement les voir, les animant de son zèle, leur prodiguant ses conseils, remplissant auprès d’eux le rôle d’un évêque, ou plutôt d’un ami chrétien en qui ils avaient pleine confiance et qu’ils entouraient d’affection. Et comme il parlait d’eux et de leur œuvre aux séances du département de colportage et du comité de la Société Évangélique ! Avec quel empressement il se rendait en Écosse, en Angleterre, pour faire connaître cette entreprise chrétienne et lui procurer de nouveaux amis ! Une fois même, il traversa l’Atlantique pour plaider auprès des Américains la sainte cause de la diffusion des Saintes-Écritures parmi les populations catholiques qui ne peuvent que par elles arriver à la lumière de l’Évangile !

Outre la Bible, le Nouveau-Testament, et des livres égrenés de l’Écriture, Jean-Philippe Dardier veillait à répandre des traités bien choisis, explicatifs de la Parole de Dieu et, chaque année, pendant longtemps, il prépara avec beaucoup de soins ce Bon Almanach qui a fait tant de bien dans sa belle carrière. Dardier fit paraître aussi l’Almanach du Tempérant3, largement distribué par ses agents. Il compta à Genève parmi les fondateurs de l’évangélisation populaire et fut un des amis les plus actifs de l’œuvre du Refuge. Le 17 juillet 1911, la Société Évangélique eut la joie de célébrer dans la [maison de] campagne de M. et Mme Ernest Favre4, à Chougny, à la fois le 80e anniversaire de sa naissance et la 50e année de son entrée au service de la Société.

La fin de la vie de ce serviteur de Dieu fut traversée par diverses épreuves. Une cécité progressive, supportée avec une touchante résignation, vint assombrir ses dernières années. La mort d’un fils, médecin missionnaire au Sud de l’Afrique, le frappa dans ses affections les plus chères. Mais il avait des sujets de satisfaction dans sa famille et dans les amitiés qui l’entouraient, outre la présence du Seigneur. Une fille aimée l’entourait de ses soins. C’est ainsi qu’il s’est éteint dans sa 93e année5, pour aller auprès du Maître en qui il croyait et qu’il a toujours voulu fidèlement servir, laissant le souvenir d’un chrétien conséquent et dévoué, animé d’une foi solide, de la lignée et du caractère de ces anciens huguenots auxquels un collaborateur du Journal de Genève l’a très justement comparé6.

Al. G. »

1Jean-Philippe Dardier est né le 17 juillet 1837 à Saint-Affrique (Aveyron) de Jacques Dardier, agriculteur, et de Jeanne Galzin. Il était l’époux d’Anne Brun.

2Louis Ruffet (1835-1923), professeur à l’École de Théologie libre de Genève, docteur honoris causa de l’Université du New-Jersey, président de l’Alliance Évangélique de Genève.

3Journal périodique de la Croix-Bleue, fondé en 1886. L’engagement contre l’alcool du pasteur lui valut d’être brièvement emprisonné en 1872 à Culoz (Ain) pour « distribution de tracts antialcooliques » ! (http://le-blog-de-jean-yves-carluer.fr/2014/06/26/1872-un-pasteur-en-prison-pour-des-tracts-antialcooliques/ )

4Ernest Favre (1845-1925), professeur de géologie à Genève, était membre du comité de la Société Évangélique de cette ville.

5Jean-Philippe Dardier est décédé à Chêne-Bougeries, près de Genève, le 25 décembre 1923.

6Il faut ajouter également que Jean-Frédéric Dardier participa largement à la mise en place de l’Armée du Salut en Suisse.

[pasteur]

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2 réponses à Jean-Philippe Dardier (1831-1923)

  1. Suzanne Neville dit :

    Bonjour, I do hope this email reaches you. I was interested to read your article about the Tremel Mission and would like to know where I can locate and see the « Book of Visitors from August 29 1897 » which you mention and if there are more school records. eg Register of pupils. My Grandmother and her brothers and sisters went to school at Tremel and I have thier recollections.
    Merci

    • JeanYves-Carluer dit :

      Bonjour !
      Excusez-moi de vous répondre avec autant de retard ! IL se trouve que j’ai été gravement malade pendant des années (hydrocéphalie), avec perte de mémoire, ce qui fait que je n’avais plus accès à mes blogs. Maintenant, cela va de mieux en mieux et j’y ai de nouveau accès. Pour répondre à votre question, le livre des visiteurs de la mission de Trémél, qui avait été sauvé de la destruction par mon père, a été déposé par mes soins il y a quelques années à la Bibliothèque du protestantisme français, rue des Saints-Pères, à Paris, ou il est consultable. J’en ai gardé une copie numérique, ce qui fait que je puis peut être vous renseigner, si vous me fournissez des indications précises, en particulier les noms et les dates de passage à Trémél.
      Bien à vous, Jean-Yves Carluer

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