Hélène Biolley – 3 : Les années de formation spirituelle

Les longues saisons passées en Grande-Bretagne sont pour Hélène Biolley à la fois un temps d’épreuves et une indispensable préparation à son service à venir. Sur ces difficultés, la future pionnière du pentecôtisme français ne s’étend guère dans ses Mémoires. Elle cite cependant : « le mal du pays, les déboires avec mes premiers élèves qui ne savaient pas le français et dont je ne pouvais me faire comprendre… »

Voici donc une jeune-fille de 18 ans, brutalement projetée, depuis le monde de l’aisance qui avait été le sien, dans celui de ce qu’il faut bien appeler une certaine domesticité, puisque tel était alors le statut d’une répétitrice à domicile placée au sein d’une grande famille bourgeoise. Le déclassement social qu’elle subissait était entretenu par les nouvelles affligeantes venues d’Italie où les biens de son père étaient mis à l’encan. Privée de fortune, et donc de dot, elle ne pourrait envisager le mariage à la façon de ses amies d’enfance.

Elle se familiarise avec la Grande-Bretagne au cours de ces deux années et demi. Elle en apprend la langue, et surtout, elle s’immerge au sein de communautés méthodistes vivantes, celles-là même qui aspirent à une « seconde bénédiction », terreau du Pentecôtisme naissant. Elle a l’occasion de séjourner au Pays-de-Galles, terre des grands Réveils britanniques. Les feux de celui de 1854 ne sont pas complètement éteints, ceux de 1904 sont à venir.

Hélène Biolley revient alors en Suisse, toujours comme institutrice privée, au service cette fois d’une riche famille du canton de Vaud, près de Morges, au château de Denens. Elle y exerce pendant deux ans, tout en animant une classe d’École du dimanche, non loin de là, à Lully.

Nous sommes en 1880. Hélène Biolley est peu satisfaite de la nouvelle routine qui s’installe, quand elle fait inopinément une rencontre qui va changer sa vie. Un négociant allemand établi au Havre, Charles August Rollhaus (1820-1905), déjà assez âgé et veuf, demandait une préceptrice pour sa fille adolescente, Cécile1. Charles August Rollhaus, associé à Edouard Langer, dirigeait une société qui importait des productions d’Amérique du Sud2. Le 10 septembre 1880, Hélène Biolley s’établit donc au Havre. Elle y demeurera jusqu’en 1944.

« J’étais comme la fille aînée de cet homme de Dieu et la sœur chérie de son enfant », écrira plus tard Hélène Biolley. La vie spirituelle n’est pas en reste : « Vers 1885, nous découvrîmes des réunions méthodistes qui se tenaient dans les bas-fonds. Mademoiselle Rollhaus et moi prîmes des groupes dans l’école du Jeudi du pasteur Gray, et nous y mettions tout notre cœur ».

Nous avons présenté sur ce blog l’histoire de ces communautés wesleyennes qui sont alors à leur apogée dans la grande cité industrielle du Havre3. Fondées par William Gibson et Jean-Paul Cook en 1879, elles se sont structurées par nationalités. La chapelle de la Rue Henri IV rassemble essentiellement des sujets britanniques, celle de la place Gambetta, achetée par le pasteur George Whelpton sur ses fonds propres, accueille un auditoire assez international qui comprend une part importante de convertis, la plupart d’origine française. Charles Rollhaus décide de s’y rattacher, et les deux jeunes-filles se montrent très actives dans cette communauté « bien vivante », selon les termes mêmes des principaux responsables wesleyens français. Hélène Biolley y retrouve l’attente eschatologique de la «pluie de l’arrière-saison ». Les pasteurs locaux, Ellenberger et Gray, attachés aux progrès de l’évangélisation en Basse-Seine, n’ont pas manqué de constater la principale lacune de leur apostolat : de l’autre côté du bassin du commerce s’étend le quartier de l’Eure, de plus en plus peuplé de migrants bas-bretons venus chercher du travail dans le grand port. Arrachés à leurs paroisses catholiques traditionnelles, exploités par des patrons sans scrupules, isolés par un usage encore exclusif d’une langue celtique, beaucoup d’entre eux dérivent vers l’alcoolisme et la marginalité. Comment les atteindre ?

1Cécile Rollhaus, 1862-1940, épousera avant 1897 le pasteur Paul Henri Ellenberger (1868-1932), qu’elle avait probablement rencontré au Havre.

2Édouard Delobette, Ces Messieurs du Havre, Négociants, commissionnaires et armateurs, de 1680 à 1830, Caen, 2005, p. 1029.

3http://le-blog-de-jean-yves-carluer.fr/2017/03/31/les-eglises-methodistes-du-havre-1879-1938/ ainsi que http://le-blog-de-jean-yves-carluer.fr/2017/04/21/les-eglises-methodistes-du-havre-2/

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