Alfred Gichtenaere (1916-1992)

Un évangéliste français méconnu

      Le pasteur Gichtenaere, évangéliste pentecôtiste de premier plan, était bienveillant et discret. Cette humilité même aurait pu le faire oublier de la génération actuelle si un jeune pasteur et historien des Assemblées de Dieu de France, Fabio Morin, n’avait compilé diverses sources orales et écrites pour retracer ses 46 ans de ministère.

    C’est ainsi qu’apparaît un acteur important de l’expansion évangélique dans la France de l’après-guerre, fondateur de plusieurs assemblées et éveilleur de ministères. Sait-on, par exemple, que c’est lui qui amena à la conversion en 1950 à Lisieux la première famille tzigane, celle de Mantz et Pounette Duville? Ce n’est que deux ans plus tard que le pasteur Le Cossec les rencontra de nouveau, les baptisa et structura le mouvement Vie et Lumière.

A. Gichtenaere

Alfred Gichtenaere en 1972

    Alfred Gichtenaere grandit dans les corons de la région de Denain. Sa première langue était le parler flamand. Son nom se prononce « Jitenare ». Il apprit le français à l’école de la République, qu’il quitta d’ailleurs vers l’âge de 13 ans comme ses camarades. Ses parents, de tradition catholique, se convertissent à Liévin dans le cadre d’une des premières œuvres pentecôtistes de notre pays. Cette œuvre est alors dirigée par un jeune pasteur d’origine danoise nommé Ove Falg, qui partira beaucoup plus tard comme missionnaire à Madagascar entre ses 75 et 92 ans… Alfred Gichtenaere se convertit à son contact. Il a 15 ans. Nous sommes en 1931

     Rien ne semble alors destiner ce jeune homme, chrétien zélé mais décrit comme très timide, au ministère pastoral. Cela attendra 15 années, dont 5 de captivité en Allemagne qui semblent décisives pour son appel et un début de formation humaine et intellectuelle au contact d’autres prisonniers de guerre venus de tous les milieux sociaux. C’est dans la souffrance des stalags qu’il apprend à s’exprimer avec aisance.

     Après sa libération, Ove Falg le prend auprès de lui comme « proposant » dans les assemblées du Havre Frileuse et de Fécamp, en compagnie d’autres jeunes comme Pierre Van Woerden. Son premier poste pastoral est celui de Lisieux en 1949, importante assemblée pentecôtiste où il prend la succession de Robert Boudéhent parti fonder l’œuvre de Caen. Alfred Gichtenaere est de la même trempe que son prédécesseur : il ouvre bientôt des annexes qui deviennent des Églises à Vimoutiers (1951), Saint-Pierre-sur-Dives (1952) et Thiberville/Drucourt. Le succès de l’évangélisation s’appuie sur de nombreux témoignages de guérisons.

     En 1953, Alfred Gichtenaere est nommé à Dieppe, où il remplace André Nicolle. Il retourne de 1959 à 1966 prendre en charge son assemblée d’origine à Liévin. Il rayonne dans les villes voisines et construit le temple de Lens.

     La dernière œuvre confiée à Alfred Gichtenaere est celle de Montbéliard, de 1966 à 1977. Le pasteur développe cette œuvre, très modeste à l’origine, qui prend une rapide extension. Le départ en retraite d’Alfred Gichetaere entraîne une mutation de son ministère. Il devient évangéliste itinérant au service des autres Églises.

     Son efficacité pastorale s’appuyait sur une grande humanité. Au rebours de quelques-uns de ses collègues qui ont pu être jugés trop intrusifs et autoritaires, il savait se faire aimer de tous. Cette caractéristique explique sans doute une dimension caractéristique du ministère d’évangéliste de notre pasteur : des conversions « en grappes » de familles ou de réseaux d’amis.

     Nous avons déjà cité le rôle décisif d’Alfred Gichtenaere dans les premières conversions tziganes, alors que le pasteur venait de débuter son ministère à Lisieux. L’histoire est célèbre et a été plusieurs fois racontée : le jeune Zino Duville était hospitalisé dans un état désespéré. Un peu plus tôt, le pasteur avait demandé à un membre de l’Église de distribuer un reliquat de prospectus d’invitations qui restait après une campagne d’évangélisation. Un de ces feuillets parvint jusqu’à la mère du jeune tzigane qui se rendit au culte et demanda la prière du pasteur. Alfred Gichtenaere alla à l’hôpital avec la conviction que Dieu allait accomplir le miracle. Quelques jours après, Zino sortait et la famille Duville se convertit. Le pasteur fut invité sur le campement. Les récits de guérison et de conversion se multiplièrent jusqu’au moment ou le groupe poursuivit son itinérance.

    Un autre épisode de conversion collective est intervenu à Montbéliard en 1972-1973. Tout un groupe de jeunes hippies s’était retrouvé dans cette ville. La plupart avaient versé dans la marginalité par leur comportement ou l’usage de drogues diverses. Ils ont commencé à fréquenter les réunions. Une jeune-fille venait même avec son chien… Beaucoup se sont convertis. Une dizaine d’entre eux sont aujourd’hui pasteurs ou épouses de pasteurs !

 Jean-Yves Carluer

 Fabio Morin, Alfred Gichtenaere 1916-1992. Un homme de réveil, Éditions Viens et Vois, 69290 Grezieu la Varenne, février 2015.   ISBN 978-2-36334-087-0. 9 euros.

Ce contenu a été publié dans Histoire, avec comme mot(s)-clé(s) , , , , , . Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

3 réponses à Alfred Gichtenaere (1916-1992)

  1. Ping : QUI L'AURAIT CRU ? - Vie et Lumière El Shaddai

  2. paulette taupin dit :

    ça m’a fait plaisir de retourner en arrière, Dieu soit béni ! merci Fabio Morin

  3. Jean-paul Grosperrin dit :

    Je me souviens fort bien du Pasteur Gichtenaere, dit Gitenare. Une personne charismatique, à la voix de tribun, mais d’une grande simplicité.
    Les deux années passées à son contact et celles des paroissiens de l’église Pantecotiste du « Mont Christ  » à Montbéliard m’ont laissé un souvenir inoubliable empli de nostalgies.
    Jean Paul Grosperrin

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *