Réunions de Réveil au Havre au printemps 1858 (1)
Le document que nous présentons ci-dessous pour la première fois en français est d’un grand intérêt. 70 ans avant que des revivalistes comme George Jeffries ou Douglas Scott ne conduisent des réunions décisives au Havre, le grand port de la Manche jouait déjà son rôle de « porte océane » sur le plan spirituel.
Il est vrai que la mondialisation des échanges franchissait alors un nouveau seuil : le télégraphe intercontinental et les premiers paquebots à vapeur venaient de rapprocher les anciens et nouveaux mondes.
Nous avons extrait un courrier du pasteur Elie N. Sawtell d’un dossier documentaire de 1859 destiné à des donateurs britanniques en faveur de l’œuvre des Marins du Havre. Cette lettre n’est pas datée, mais le contexte permet de la situer très exactement au printemps 1858, quand les premières nouvelles du grand Réveil de 1857-59 atteignent la France.
Le directeur de la mission du Havre, le pasteur Sawtell, très proche de Charles Finney et fervent revivaliste, se désolait alors de ce que notre pays soit encore resté à l’écart du plus célèbre bouleversement religieux du XIXe siècle.
« Depuis plusieurs dimanches, mes réflexions tournaient autour des premiers chapitres du livre des Actes des apôtres. Vous percevrez immédiatement l’enchaînement des pensées qui m’ont été ainsi suggérées :
-Le caractère, l’esprit, la foi et la prière de l’Église primitive,
– La naissance de la première Église chrétienne au milieu d’un « glorieux Réveil »,
– La nécessité scripturaire de prier et d’attendre des Réveils à chaque époque,
– Les causes qui expliquent pourquoi l’Église du Christ n’a pas été plus souvent bénie par de tels Réveils… etc.
Bien sûr, mes sermons, pour être cohérents avec de telles démarches de renouveau, ont été sûrement un peu décapants, et ils ont semblé agir sur certains cœurs « comme le feu du fondeur et comme la potasse du blanchisseur[1]« .
Au même moment, je recevais, semaine après semaine, des lettres et des journaux relatant les détails du « grand Réveil » en Amérique ou s’y référant, et destinés, selon moi, à donner confiance et à accroître la foi des enfants de Dieu en une merveilleuse saison de « l’effusion de l’Esprit de Dieu[2]« .
Il en a résulté dans l’auditoire une grande attention générale, une vraie profondeur spirituelle, des yeux mouillés de larmes, plusieurs entretiens solennels et deux ou trois conversions bienvenues[3].
Je priais avec espoir, que Dieu, dans sa providence, voulût bien nous amener quelque frère, récemment rafraîchi sous la nuée de Dieu, ayant reçu un nouveau baptême depuis peu, et qui aurait été témoin oculaire des scènes qui bouleversaient New-York, Philadelphie et d’autres lieux. Je désirais qu’il puisse rester ici suffisamment longtemps pour nous apporter sa propre expérience.
Certes, quelques-uns de ces témoins étaient arrivés par différents paquebots, mais ils étaient tous tellement pressés qu’ils ne pouvaient rester ici ne serait-ce qu’une seule nuit.
C’était jusqu’à ce qu’accoste vendredi dernier l’Arago[4], amenant le pasteur Frédéric Monod, son fils, et d’autres qui venaient de se convertir. C’est par eux que mes prières ont été exaucées ».
(A suivre)
[1] Livre du prophète Malachie, chapitre 3, verset 2.
[2] Le Réveil de la côte est des États(Unis a touché en 1857-1858 tout particulièrement les marins et les populations maritimes. Rien d’étonnant à ce l’information interne à la Mission de New-York en répercute abondamment les échos à ses collaborateurs à l’étranger.
[3] Lettre sans date, citée par The Sailor’s Magazine, novembre 1859, p. 72.
[4] L’Arago était un paquebot mixte à roues à aubes de 2240 tonneaux, propriété de la Steamship Company New-York Le Havre, construit en 1855, récemment affecté à la ligne transatlantique .