1857-1861 : le Réveil ignoré -6

Quel a été l’impact du Réveil évangélique mondial de 1857-1861 en France ?

    Les principaux leaders protestants francophones du courant évangélique se sont immédiatement inscrits dans l’attente d’un Réveil dans nos pays.

    C’est le cas du pasteur Jean-Henri Grandpierre, depuis la chaire de l’Oratoire du Louvre, lors de l’assemblée générale de la Société Centrale Protestante d’Évangélisation, à Paris, le 16 avril 1858. Il attribue au mouvement de l’Esprit  les progrès numériques réalisés par les Églises issues de la Réforme depuis les années 1825, avant de poursuivre :

« Quel a été l’auteur de ce mouvement religieux […] ? Le Saint-Esprit, qui a baptisé l’Église d’un nouveau baptême et qui l’a fait sortir du sommeil fatal de l’indifférence… » Et le pasteur d’évoquer les événements de New-York, avant de conclure : « Tout en faisant  la part de mœurs et du caractère national, espérons, Messieurs, que cet Esprit de vie viendra aussi nous visiter et imprimer un nouvel élan à notre réveil religieux.

J H Merle d'Aubigné

Jean Henri Merle d’Aubigné (1794-1872)

Il faut agir et il faut prier : prier pour obtenir le Saint-Esprit, que nous n’appelons pas assez sur nos prédications, sur nos efforts, sur nos Sociétés, sur nos œuvres ; agir pour mettre à profit les grâces reçues et témoigner… [1]».

    A l’oratoire de Genève, le président de la Société Évangélique, Jean Henri Merle d’Aubigné évoque également le 30 juin 1858 l’exemple du Réveil américain : «  Ils se sont humiliés ; ils ont cherché des trésors plus sublimes ; il y a eu beaucoup de prières. Ils ont demandé l’Esprit, et ils ont trouvé l’Esprit[2] »

Prier pour le Réveil…

    La prière, justement, apparaît aux pasteurs concernés comme moyen le plus évident pour susciter le Réveil dans les pays francophones. C’était pour eux le préalable indispensable à l’effusion de l’Esprit. Dans la majorité des cas, ces pasteurs ont tout simplement utilisé pour cela des rendez-vous institutionnels dans le cadre de leur Église ou d’œuvres plus globales. C’est le cas dès la fin de l’hiver 1858.

    La presse protestante relaye alors l’appel de la  Société de l’Union de prières pour le réveil de la foi et le renversement de toute erreur antichrétienne à organiser des « assemblées générales de prière » toute la semaine du 8 au 15 mars 1858. Le programme proposé est intensif : « Chaque jour, une partie du temps compris entre 7 et 10 heures du matin et 8 et 11 heures du soir, doit être consacré à la prière particulière ». A cela s’ajoutent « dans chaque ville ou village possédant un lieu de culte […] trois réunions publiques ». Le point commun des thèmes proposés pour chaque rendez-vous est « l’effusion du Saint-Esprit » sur les pasteurs, les publications, l’évangélisation, les jeunes,  et enfin « un réveil général[3] ».

    Je ne sais, faute de documents, si cet appel a été réellement entendu. En tous cas, il ne semble guère avoir été suivi d’effet en France, du moins jusqu’au printemps 1861.

    Un certain nombre de réunions de prière avaient été mises en place en 1858 et 1859 dans le cadre de l’Alliance évangélique, qui regroupait les communautés revivalistes. Prenons en exemple celles qui se tiennent à Lyon du 31 octobre au 2 novembre 1858, à la demande du comité local, pour répondre au « besoin qui se manifeste au sein du protestantisme français d’un réveil de la foi et de la piété[4] ».

« Un puissant moyen pour réveiller les âmes[5] »

    Autre moyen de l’offensive revivaliste : organiser des tournées et des missions spéciales confiées à des prédicateurs enthousiastes. Là encore, cette stratégie n’est pas nouvelle. La Société Centrale Protestante la met en œuvre sous l’appellation « d’Évangélisation au sein des Églises ». Mais ce programme datait en fait de 1857. Il s’agissait, sur le modèle de ce que réalisait déjà la Mission intérieure du Gard et de la Drôme, de multiplier partout en France ces « prédications exceptionnelles et d’appel, faites par des hommes de foi et de talent[6] ».  Après les missions des pasteurs Pédézert à Saverdun ou Puaux à Ganges, de nouvelles tournées étaient prévues sous la direction de MM. Dhombres, Ducros, Jean Monod, Rognon et Vaurigaud. La plus marquante avait eu lieu dès janvier dans le Poitou, terre protestante alors généralement considérée comme étant la plus stérile. Le pasteur Valloton y prêcha 20 fois en trois semaines, dans 10 églises. Selon le rapporteur de la Société Centrale, « Il y a eu des signes non équivoques des fruits produits par la prédication de l’Évangile ». Certes, mais on est encore loin d’un Réveil…

    Il faut bientôt se rendre à l’évidence en 1861 : alors que le Réveil s’étend aux USA et au Royaume-Uni et déborde quelque peu sur la Suède et l’Allemagne, la France se révèle encore bien réfractaire au plus connu des Mouvements de l’Esprit du XIXe siècle. Nous essaierons d’en analyser quelques causes dans un prochain article.

Jean-Yves Carluer

[1] Rapport de la Société Centrale Protestante d’Évangélisation, 1858, p. 12-13.

[2] Rapport de la Société Évangélique  de Genève, 1858, p. 18.

[3] Les Archives du Christianisme,  27 février 1857, p. 26 et 27.

[4] La Feuille religieuse du Canton de Vaud, p. 480

[5] Société Centrale Protestante d’Évangélisation, Rapport de 1858, p. 32.

[6] Idem,  p. 33.

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