Jean Daniel Kieffer

Une vie au service de la diffusion biblique

    Jean Daniel Kieffer est né à Strasbourg le 4 mai 1767 dans une famille de petite bourgeoisie. Il a fait de brillantes études dans sa ville natale, où il est reçu docteur en 17871.

Jean-Daniel Kieffer

Le professeur Jean Daniel Kieffer (Wiki commons)

    Il entre en novembre 1793 au Ministère des Affaires étrangères comme secrétaire, dans la Commission des traductions allemandes. Cette administration l’affecte en 1797 en Turquie, à l’Ambassade de France à Constantinople. Mais la guerre, en l’occurrence la Campagne d’Égypte de Bonaparte, vient bouleverser une existence jusqu’alors paisible. Les Turcs enferment Jean Daniel Kieffer au château des Sept Tours de 1798 à 1801, avec les diplomates et officiers français. C’est pour lui l’occasion d’approfondir sa connaissance de la langue turque et de l’écriture arabe. Libéré par la paix d’Amiens en 1802, il revient en France et devient secrétaire-interprète du Ministère des Affaires étrangères pour les langues orientales, puis bientôt professeur de turc au Collège de France. Le Régime de la Restauration le confirme dans ces fonctions. Il est même nommé en 1819 premier secrétaire interprète du roi Louis XVIII. Ce n’est qu’en 1829 qu’il tomba en partie en disgrâce lors de la purge administrative entreprise par l’ultra-royaliste duc de Polignac. Il perdit donc sa place aux Affaires étrangères, après 32 ans de service, mais garda sa chaire au Collège de France. Sans doute Polignac avait-il voulu le sanctionner pour son engagement au service des sociétés bibliques dont le développement irritait de plus en plus le clergé catholique.

    Il s’était attaché à la révision de la traduction de la Bible en langue turque, tâche qui dura dix ans. Il prit une part très active au sein du comité de la Société biblique de Paris, dont il était membre fondateur. Comme beaucoup de « grands laïcs » évangéliques du début du XIXe siècle, Jean Daniel Kieffer s’était engagé dans les instances des diverses sociétés associées au Réveil, comme la Société des Missions ou la Société pour l’encouragement de l’instruction primaire parmi les protestants de France, sans compter sa participation au Consistoire luthérien de Paris et bien d’autres associations érudites. En arrière plan de tous ces engagements multiples, se situait le désir de répandre et rendre possible partout l’accès à la Bible : « C’est ma vie ! », disait-il encore quelques semaines avant sa mort.

    Jean Daniel Kieffer avait été, selon l’expression de son biographe, « honoré de la confiance de la Société Biblique Britannique et Étrangère2 ». Il avait noué une relation directe avec son comité à l’occasion de la complexe mise au point de sa traduction de la Bible en langue turque et de la rédaction d’un dictionnaire franco-turc. Les responsables de Londres firent désormais appel à lui comme expert linguiste. Il supervisa la traduction des Écritures en arménien, basque, breton, carchoum, italien, syriaque, pour le compte de la B.F.B.S.

    En 1819-1820, la Société biblique de Londres décide d’établir directement une agence à Paris, de façon à diffuser les exemplaires des Écritures que la Société biblique protestante de la capitale ne pouvait prendre en charge selon son propre règlement, en particulier les exemplaires des Écritures destinés aux catholiques. Les Britanniques confient leur agence parisienne et bientôt française à Jean Daniel Kieffer, qui garde sa place au comité de la société biblique protestante, ce qui permet de coordonner les efforts. Après de timides débuts, cette succursale prend une importance croissante, au point de d’approcher et même de dépasser après la révolution de 1830 la diffusion de la société protestante de Paris.

Le premier « général » de l’armée des colporteurs français

    Au cours de la dernière année de sa vie, Jean Daniel Kieffer répandit plus de 176 000 exemplaires des Livres saints. Il est à l’origine du système de colportage intensif dans notre pays, rendu possible par l’élargissement des libertés. Nous en reparlerons.

    Ses collègues s’accordaient à voir en lui un travailleur infatigable, au point de mettre en péril sa santé alors même qu’il avait dépassé la soixantaine. C’est l’agence parisienne de la Société biblique britannique qui mobilisait l’essentiel de ses forces : « Il s’était fait lui seul une société tout entière, réunissant seul toutes les fonctions de correspondant unique, de commis, d’expéditionnaire ; il semblait exclusivement livré aux jouissances les plus douces, alors qu’il était accablé sous le poids de minutieuses et fatigantes occupations3 ».

    Jean Daniel Kieffer meurt le 29 janvier 1833. La plupart de ses biographes racontent qu’il a été victime du choléra lors de la grande pandémie de 1832. Mais la phase aiguë de l’épidémie parisienne étaient terminée depuis plusieurs mois. Jean Daniel Kieffer avait alors 65 ans et les symptômes de sa maladie font plutôt penser à un affaiblissement dû à l’âge et à la fatigue.

Jean-Yves Carluer

1Michel Richard, « Les membres laïcs du consistoire luthérien de Paris (1808-1848) », Bulletin de la Société de l’Histoire du Protestantisme Français, 1981, pp 617-649.

2Les Archives du Christianisme, 1833, p. 18.

3Les Archives du Christianisme, 1833, p. 19.

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