1830 : Un nouveau contexte pour les colporteurs

Une transition brutale…

Le 26 juillet 1830, la crise politique qui couvait entre « libéraux » et « ultras » se transforme en révolution. Un changement de régime rapide, sinon sanglant, que l’on a appelé les « Trois Glorieuses » chasse en quelques jours le vieux roi Charles X pour finalement le remplacer par un de ses cousins, Louis-Philippe 1er.

     La transition n’est pas seulement dynastique. Le parti libéral l’a emporté et promet de grandes réformes.

     Les hommes qui accèdent au pouvoir sont maintenant ceux qui défendaient la liberté de la presse et de religion. Derrière Thiers et Lafitte, ils s’appellent Guizot mais aussi Victor de Broglie -le mari d’Albertine-, Benjamin Délessert, Charles De Rémusat ou Pelet de la Lozère. Nous avons rencontré ces noms ou plutôt celui de leurs épouses dans les salons parisiens où s’organisaient les sociétés bibliques.

     Une opportunité exceptionnelle s’offre aux protestants, d’autant que le parti clérical catholique sur lequel s’était appuyé l’ancien monarque quitte pour un temps les allées du pouvoir et se réfugie dans « l’exil intérieur » de la province profonde.

     Cette configuration favorable au colportage et à l’évangélisation n’est pas appelée à durer, mais, pour le moment, les revivalistes s’imaginent que leurs plus beaux rêves vont se réaliser. En fait, le régime de ce que l’on a appelé la « Monarchie de Juillet » ne va pas tarder à se durcir au bout de quelques mois. Il faudra attendre une autre génération, celle des républicains des années 1879, pour retrouver une conjoncture aussi favorable pour les protestants.

     Pour l’heure, les diffuseurs de la Bible pensent immédiatement à s’affranchir des contraintes légales qui les écartaient des populations catholiques.

     Le temps des collecteurs n’est plus nécessaire. Cette activité s’éteint progressivement. Commence désormais l’épopée des colporteurs, qui visitent indistinctement toutes les chaumières, protestantes ou catholiques.

     Nous avons pensé faire un rapide bilan de la diffusion de la Bible en France à cette époque, alors que le contexte, mais aussi les structures protestantes changent rapidement. Les associations bibliques sont dépassées par des entreprises encore plus incisives, que l’on appelle les sociétés évangéliques, alors même que la grande ambition de la Société biblique de Paris, doter chaque famille protestante d’un exemplaire des Saintes Écritures, est loin d’être achevée. De grandes disparités subsistent entre les régions réformées, selon les traditions locales, la qualité des pasteurs, et le dynamisme des différentes sociétés bibliques auxiliaires. De plus, la grande majorité des Français est encore analphabète pour de longues années. Toute une génération, qui n’a pas encore été concernée par les premières grandes lois d’enseignement, celles de François Guizot ou Joseph Pelet de la Lozère ne pourra qu’écouter la Bible et non la lire.

     Ceci étant dit, gardons-nous d’idéaliser les années 1830, celles de la grande misère ouvrière, des révoltes et des insurrections décrites par Victor Hugo. Cette « période sans nom » comme l’appelleront quelques contemporains est devenue le temps des répressions et des tracasseries policières. Les rassemblements ne sont pas les bienvenus, à commencer par les réunions populaires. C’est donc la page imprimée qui porte les textes d’évangélisation, y compris les polémiques où vont exceller Napoléon Roussel et ses amis.

     Le temps des colporteurs relaye celui des collecteurs et précède celui des évangélistes. C’est aussi l’époque des déchirures internes du protestantisme. La persécution latente du temps des rois Bourbons avait soudé Calvinistes et Luthériens. La liberté qui s’ouvre devant eux laisse s’exprimer les désaccords internes. Entre les libéraux et les revivalistes, ce qui n’était jusqu’alors qu’une fêlure sous la Restauration va s’agrandir aux dimensions de véritables fractures et de graves déchirements. Le Réveil sera à ce prix.

     En attendant, de multiples façons de vivre le protestantisme sont appelées à coexister, mais de moins en moins sereinement. La carte protestante de la France évolue très rapidement, des paroisses s’éteignent, d’autres naissent, selon que la Bible trouve le chemin des coeurs…

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