La jeunesse de Lord Radstock
Ce revivaliste britannique est encore largement inconnu des lecteurs français qui découvrent éventuellement son existence au hasard d’une fiche biographique rédigée par son ami Ruben Saillens. Aucun ouvrage en français ne lui est consacré, quand bien même il décéda dans notre pays au cours d’une campagne d’évangélisation à Paris en 1913. Une recherche un peu plus approfondie sur internet livre aux curieux des indications contradictoires, puisqu’il est considéré comme le père du mouvement évangélique en Russie ou un précurseur du pentecôtisme. La confusion est encore plus grande sur son appartenance confessionnelle. Cet anglican a longtemps été considéré comme un darbyste (Frère de Plymouth). Or, une de ses seules photographies en ligne sur un site en langue française le représente à l’inauguration de l’église baptiste de Colombes(1). Ce prédicateur très doué n’était pas non plus pasteur et n’avait bénéficié d’aucune consécration au ministère. Visiblement, Lord Radstock était totalement inclassable. Aujourd’hui, les progrès de la recherche historique sur le mouvement évangélique permettent d’y voir plus clair.
C’est une des raisons pour lesquelles je me décide aujourd’hui à tenter une biographie de celui qui fut un des derniers « lords évangéliques » du long XIXe siècle, à la suite de Wilberforce, qui libéra les esclaves noirs des colonies britanniques et Lord Teignmouth qui fonda en 1846 l’Alliance évangélique.
Un jeune aristocrate échappe à la mort…
Granville Augustus William Waldegrave naquit à Londres le 10 avril 1833, au sein d’un foyer profondément chrétien. Sa mère, Esther Caroline Paget, était particulièrement engagée dans la foi. Nous avons déjà présenté ses sœurs, Elizabeth Cornélia (1824-1903), et Caroline Esther, devenue Lady Proctor-Beauchamp, sur ce site. Du côté de sa mère, le futur Lord Rastock était apparenté à l’aristocratie française. Un de ses cousins devint préfet maritime à Cherbourg, et le jeune Granville Waldegrave pratiquait couramment la langue française, ce qui l’aida considérablement aussi bien à Saint-Petersbourg qu’à Paris et au Havre.
Le futur Lord Radstock fréquenta les meilleurs établissements scolaires britanniques et soutint un Master of Arts à l’Université d’Oxford.
Dans sa jeunesse, son engagement chrétien semblait très banal. Au cours de ses études, il s’intéressait plutôt à la musique, aux sciences, à l’histoire, aux sports. Comme beaucoup de jeunes gens de l’aristocratie, il lui semblait que sa vocation était, à l’évidence, de nature militaire. C’est ainsi qu’il se retrouva autour de Sébastopol, sur le champ de bataille de Crimée, en 1856. Il arriva trop tard pour participer aux plus durs combats, mais non pour échapper aux sinistres maladies des camps. Il se trouva frappé de dangereuses fièvres, peut-être le choléra qui sévissait alors à Sébastopol, et faillit en mourir.
Cette épreuve se révéla être un véritable électrochoc dans le domaine spirituel. Le futur lord considéra tout à coup la vanité de son existence malgré sa fortune, et décida qu’il consacrerait totalement désormais sa vie à Dieu.
Selon le récit d’un de ses biographes, dont il est difficile d’attester l’authenticité, il aurait déclaré peu après qu’il avait débarqué une première fois en Russie avec des épées et des armes à feu, mais qu’il y retournerait un jour avec des Bibles.
Ce qui est certain, c’est que le jeune homme se montra immédiatement très actif pour témoigner de sa foi, distribuant des traités chrétiens dans les hôpitaux, par exemple.
Il succéda à son père comme lord Radstock en 1857 et épousa l’année suivante un des plus beaux partis de l’Angleterre, Susan Charlotte Calcraft (1833-1892). La mariée, en plus d’être considérée comme très jolie, était petite-fille des Ducs de Manchester et de Gordon et la fille d’un homme d’affaires devenu député, John Hales Calcraft. Le couple fut très heureux et très uni, à commencer dans le domaine de la foi. Susan Charlotte partagea l’engagement chrétien de son mari et supporta ses nombreuses absences dans le cadre de son ministère. Ils eurent 9 enfants en 24 ans de vie commune. Selon un de ses biographes, les années 1856 à 1880 ont représenté la période de leur vie1la plus marquée par l’évangélisation. C’est peut-être vrai en ce qui concerne la Grande-Bretagne. Lord Radstock appartenait alors à la catégorie des gentlemen-evangelists qui comprenait également Brownlow North, Reginald Radcliffe, Baptist Noël et Henry Grattam Guiness2. Une fois devenu veuf, il eut plus de liberté pour un ministère international qui le mena jusqu’en Inde et en France.
(A suivre…)
1 http://eglise-evangelique-colombes.org/index.php?option=com_content&task=view&id=69&Itemid=1&lang=fr
2Holmes, Religious Revivals, p. 53-54.