La naissance du colportage évangélique en France -2

Un colporteur nommé Ammann…

    Revenons aux Mémoires du pasteur Ami Bost, le pionnier de l’évangélisation et du colportage dans l’est de la France. Nous avons signalé dans notre dernier article qu’il est considéré par plusieurs comme le véritable créateur de la distribution itinérante de Bibles et de littérature évangélique en Alsace, au tournant des années 1821-1822.

    Il nous a laissé dans ses Mémoires un document très intéressant datant de son séjour à Colmar, où il était agent de la Société Continentale. Obéissant aux consignes de cet organisme, il recruta un des premiers colporteurs évangéliques professionnels à avoir travaillé en France.

Riquewihr autrefois

   Nous ne savons pas grand-chose, hélas, sur ce pionnier. Peut-être existe-t-il des documents plus précis le concernant, mais il faudrait dépouiller pour cela les archives des consistoires et des départements de l’est de la France. En l’état actuel, il nous faut nous contenter de l’ouvrage des Mémoires d’Ami Bost, assez précis et bien documenté, puisqu’il nous livre même un extrait du carnet de route du jeune Alsacien.

    Voici ce que dit Ami Bost de son collaborateur de 22 ans, un de premiers « Réveillés » de Guebviller.

    « Je vis parmi eux un jeune homme qui avait passé trois jours de décembre (1820 ?) à la prison de Colmar, précisément, les trois jours pendant lesquels j’avais pu y pénétrer. On le reconnut innocent ; mais ce séjour avait été l’occasion de sa conversion. « Le Seigneur, me dit-il, m’avait fait mettre en prison pour que j’y reçusse la vraie liberté ». C’est celui qui me servit plus tard de colporteur, le premier […] de ces contrées1… ».

    Au début de l’année 1821, Ami Bost croise de nouveau sa route lors des réunions qu’il organise dans la région : « Le jeune frère qui avait été converti dans la prison se trouvait à l’assemblée2 […] Il m’accompagna un bout de chemin de mon retour, et il était tellement touché qu’il était obligé de tenir son mouchoir devant le visage pour cacher ses larmes3 ».

     Rien d’étonnant à ce que l’agent de la Société Continentale fasse appel à lui quand il s’est agi de tenter une action de colportage :

    « Je choisis à cet effet le jeune homme dont il a été question précédemment, celui qui avait été appelé à l’évangile dans la prison de Colmar : son nom était Ammann. Au bout de quelques temps cette idée prit chez moi toujours plus de consistance : je me chargeai de son entretien ; et comme je me délassais alors quelquefois à faire de la menuiserie, je lui fabriquai même sa caisse, sans doute aussi l’une des premières caisses, si ce n’est la première, du colportage religieux en nos jours4 ».

    Ami Bost est bien conscient du caractère assez improvisé de sa tentative, qui ne semble pas avoir duré plus que quelques mois, avant d’être étouffée par les réactions de l’administration : « Je n’avais pas su, comme il a fallu l’apprendre plus tard, prévenir toutes les difficultés administratives ; et, quant à la caisse, je la fis si grande et si bien pourvue de clayettes, que c’était plutôt un petit buffet qu’une caisse et qu’il fallut bientôt renoncer à s’en servir pour le colportage5 ».

   Mais dans l’immédiat, Ami Bost et ses amis ont clairement conscience qu’une ère nouvelle de l’évangélisation s’ouvrait devant eux : « Ce ne fut pas sans une profonde émotion que nous suivîmes des yeux notre débutant et que nous l’entendîmes, au premier tournant de la rue que nous habitions à Colmar, pousser son premier cri : Neue Testamente ! C’était le premier cri du nouveau-né ».

   Il semble bien que le colporteur Ammann ait pu colporter tout l’hiver 1822-1823.

    La tentative prit fin quand Ami Bost, alors à Genève, reçut notification de son expulsion de France. Le missionnaire de la Société Continentale se dirigea alors provisoirement vers l’Allemagne, non sans quelques regrets : « Chère mission d’Alsace ! Temps de zèle, d’ardeur, de jeunesse… et de forces 6! »

Jean-Yves Carluer

1Ami Bost, Mémoires pouvant servir à l’histoire du Réveil, p. 268. Peut-on formuler l’hypothèse que le jeune Alsacien avait été arrêté dans le cadre des troubles politiques de l’année 1820 ? C’est l’époque des fameux « 4 sergents de La rochelle », fusillés pour bonapartisme cette année-là .

2Il s’agit d’une controverse entre Ami Bost et des conseillers presbytéraux libéraux qui eut lieu à Guebviller vers Pâques 1821 (25 avril).

3Ami Bost, Mémoires pouvant servir à l’histoire du Réveil, p. 273.

4Idem, p. 287.

5Ibidem, p. 288.

6Ibidem, p. 299.

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