Le missionnaire oublié (1)
C’est un des plus grands missionnaires américains ayant travaillé dans la France du XIXe siècle.
Son bilan peut être favorablement comparé à celui des pasteurs baptistes venus du Nouveau Monde pour succéder à Jean Casimir Rostan après 1833[1]. Eli Sawtell est aujourd’hui complètement et injustement méconnu dans notre pays où il a pourtant oeuvré pendant 20 ans, le tiers environ de son long ministère. Il a construit la « chapelle américaine » du Havre, probablement le plus vaste édifice évangélique édifié en France avant l’ouverture du temple de la rue de Lille à Paris. Il a durablement influencé de nombreux protestants du Réveil liés par exemple aux familles Monod ou Du Pasquier, ainsi que le jeune Frédéric De Coninck, dont il fut le mentor.
C’est seulement de l’autre côté de l’Atlantique que le pasteur Eli N. Sawtell a acquis une certaine notoriété. Il y est connu comme revivaliste, fondateur d’oeuvres, militant anti-esclavagiste, pédagogue et réformateur social. Une rue porte son nom à Cleveland où il fonda un grand établissement éducatif qui devint l’un des prototypes des collèges américains de jeunes filles. Un de ses ouvrages a été encore réimprimé en 2012[2]. La personnalité de notre pasteur est, il est vrai, assez exceptionnelle. Sa vie est digne d’un roman.
Eli Sawtell est né le 8 septembre 1799 à Milford (New Hampshire), petite ville sur la route qui menait les esclaves fugitifs vers le nord et la liberté. Son père était pasteur congrégationaliste. Sa jeunesse fut humble et laborieuse. Il passa trois années comme apprenti cordonnier avant de répondre à un appel de Dieu : on cherchait des candidats pasteurs prêts à partir vers le Far West de l’époque, à l’ouest des Appalaches, dans le Tennessee, pays de Davy Crockett. Il s’y rendit à pied en 1818, avec pour tous bagages une Bible, un recueil de cantiques et un livre de piété, le reste de ses biens tenant dans un mouchoir de coton. Il fut formé sur place. Finalement consacré au ministère en 1825 au sein des Églises presbytériennes, il ne tarda pas à se faire connaître pour son exceptionnelle force de conviction, devint évangéliste et participa aux épisodes de Réveil religieux de cette époque. On lui confia également de multiples tournées de collectes de fonds pour des écoles bibliques et des oeuvres sociales. Il y excella. Cela le fit circuler depuis la Nouvelle Angleterre jusque dans les états du sud, descendant et remontant le fleuve Mississipi dont il connaissait tous les ports et où il côtoyait chaque jour la réalité dramatique de l’esclavage.
Eli N. Sawtell se fixa comme pasteur presbytérien à Louisville (Kentucky) en 1832 et fit prospérer cette communauté qui vécut un Réveil qui le marqua profondément. Il fallut très vite essaimer et créer une deuxième paroisse. Il construisit peu après la première des églises neuves qui seront le fruit de son ministère et se maria en juillet 1834.
Jeune prédicateur revivaliste, Eli Sawtell était également un réformateur social. Peu après son arrivée à Louisville, le 19 avril 1832, il avait présidé la formation d’une « Association pour l’éducation des femmes au Libéria ». Il y conjuguait les trois axes qui resteront les principales lignes de son engagement social : la mission, la formation, l’égalité des races et des sexes.
Tout semblait aller pour le mieux en 1835 pour ce brillant pasteur et jeune père de famille, tout sauf une santé de plus en plus chancelante qui laissait entrevoir le pire. Les médecins de l’époque firent pour une fois un assez bon diagnostic en reliant le mal dont souffrait Eli Sawtell aux chaleurs de l’été et aux fièvres du sud. Il lui fallait d’urgence changer de climat.
Où aller ? On lui proposa une oeuvre missionnaire auprès des marins qu’il avait appris à aimer, mais dans une ville aux cieux réputés pour leur fraîcheur : Le Havre !
(A suivre…)
[1] Sur ces missionnaires baptistes, lire Sébastien Fath, Une autre manière d’être chrétien en France…, Labor et Fides, 2001.
[2] Eli N. Sawtell, Treasured Moments, première édition 1860. http://www.amazon.fr/Treasured-Compilation-Different-Countries-Together/dp/1151294020
Bonjour, Monsieur. Je viens de découvrir votre blog. Je suis généalogiste et paléographe amateur. . J’ai découvert que ma famille paternelle Ramier-Prampart avait des origines protestantes (église de Nantes à Casson, Sucé, Nort et Héric. J’aimerais les approfondir. Je n’ai pas trouvé votre adresse mail pour correspondre directement avec vous. Michèle Cherbonneau-Ramier bénévole du CEGF et membre des amis des archives de France
Merci. Je vous recontacte directement