Auguste Louis de Staël (1790-1827)

Le coordinateur des collecteurs bibliques

 

    Comme sa sœur cadette Albertine, devenue duchesse de Broglie, Auguste de Staël était le fruit des amours illicites et tumultueuses de la célèbre écrivaine Germaine de Staël. Son vrai père était le comte de Louis de Narbonne, éphémère ministre de la guerre en 1791-1792, ce qui en ferait aussi un petit-fils de Louis XV, le persécuteur de Marie Durand et tant d’autres.

    Le jeune Auguste grandit auprès d’une mère aussi brillante que possessive, balloté de pays en pays au rythme de ses exils. A Coppet, près de Genève, la propriété de son grand-père Necker, où il passe plusieurs années de son enfance, il a pour tuteur le célèbre écrivain romantique August Von Schlegel et pour pasteur Jean Isaac Cellerier. Il reçoit alors, comme l’explique André Encrevé, une « éducation religieuse marquée par le revivalisme[1]. » Mais « il ne manifeste pas d’options religieuses bien marquées« . Toujours selon André Encrevé, il n’est pas encore « converti au sens du Réveil« .

    Auguste de Staël hérite du domaine de Coppet en 1809, mais semble dès lors se contenter d’une existence assez banale de jeune propriétaire agronome doublé d’un chargé d’affaires de sa mère. L’exil suisse l’a empêché de faire une carrière militaire. Il est trop jeune pour se lancer en politique, et il semble indécis dans ses ambitions. Selon son contemporain Sismondi, « après l’avoir observé longtemps, on cherche enfin quand il tiendra ce qu’il promet toujours[2]… »

    La situation va peu à peu évoluer. Il se rend à Londres en 1814, et il y est frappé par la personnalité de William Wilberforce. Auguste de Staël voit plus tard son univers familial bouleversé en 1817. Sa sœur se marie. Le décès de sa mère, après celle d’un jeune frère, le frappe douloureusement. L’année suivante, il est sollicité pour rejoindre le comité de la Société Biblique de Paris, moins pour ses qualités chrétiennes que pour son statut de grand notable protestant disposant de temps libre. Il accepte. Sa vie va progressivement basculer.

Auguste de Staël

Le baron Auguste de Staël (1790-1827)

    Depuis des années, comme l’écrit Albertine de Broglie, sa sœur, Auguste de Staël était tiraillé entre le « modèle [de l’idéal chrétien] qu’il ne pouvait atteindre[3] » et une vie mondaine assumée : il avait même pris pour maitresse la jeune épouse d’un député. La fréquentation de ses collègues de la Société Biblique, dont plusieurs, comme Albert Stapfer, viennent de se convertir dans le cadre du Réveil, lui donne la force de rompre. Un voyage à Londres en 1822 auprès des responsables de la Bible Society est décisif.

    Auguste de Staël consacre désormais sa vie au témoignage évangélique. Il devient secrétaire de la Société Biblique de Paris et en présente le rapport général d’activité lors des assemblées générales de 1822, 1823 et 1825. Il participe à la fondation de la Société des Traités Religieux de Paris, dont il devient trésorier, et entreprend de traduire de l’anglais un de ses livrets, le Récit de la perte du bâtiment Le Kent. Il est également présent lors de la fondation de la Société des Missions Évangéliques en 1822. Il s’investit également dans diverses sociétés de bienfaisance. Très présent au sein des Églises réformées, il est aussi de ceux qui soutiennent les mômiers, les premières Églises libres du Canton de Vaux.

    Mais le cœur de son engagement concerne la Société Biblique Protestante de Paris. De façon très caractéristique, il ne se contente pas du travail administratif et de la présence aux comités. Auguste de Staël se veut collecteur parmi les collecteurs. Il « fit, entre autres, la première collecte dans les arrondissements[4] » avant de devenir, logiquement, un des coordinateurs de ce travail au sein de la Société Biblique de Paris. On sait, depuis les travaux consacré à Charles Dudley, qu’il s’agissait d’un maillon fondamental de l’œuvre, « tâche pénible, souvent ingrate, mais où les fatigues et les refus n’étaient qu’un stimulant pour son zèle…« , écrit Orentin Douen[5].

    On ne s’étonnera donc pas de le voir s’engager, à l’automne 1825, dans une grande tournée officielle de promotion et d’inspection des sociétés et associations liées à l’œuvre biblique de Paris. Nous avons eu l’occasion de dire l’enjeu de la nécessité d’un nouvel élan de la diffusion des Écritures à cette date en France. Auguste de Staël en posa les bases sur le terrain. Partant de Coppet en direction du sud, il parcourut les diverses terres protestantes du Midi, avant de revenir par Bordeaux et Nantes. Nous aurons l’occasion de publier sur ce site quelques extraits de ses rapports, documents essentiels sur la vie des Églises et l’état du mouvement biblique en 1825.

    A l’issue de ce long voyage, un nouvel enjeu le saisit à Nantes, celui de la persistance de la traite des Noirs, dont il fut le témoin et qu’il dénonça. Auguste de Staël devint alors le nouveau président de la Société de la Morale Chrétienne, principale association qui militait contre l’esclavage.

   Auguste de Staël rentra à Coppet pour se marier. Il épouse en 1826 une protestante genevoise, Adèle Vernet, et caresse un projet de carrière politique à partir du département de l’Ain. Mais il meurt le 11 novembre 1827, après une brève maladie, frappant de stupéfaction ses amis du Réveil.

Jean-Yves Carluer

[1] André Encrevé, « Auguste de Staël et le protestantisme », dans L’expérience de la foi. Pensée et vie religieuse des huguenots au XIXe siècle, Paris, 2001, p. 99.

[2] Idem, p. 100.

[3] Albertine de Staël, Œuvres diverses de M. le baron Auguste de Staël, Paris, 1829, p. lxv.

[4] Albertine de Staël, op. cit., p. lxv

[5] Orentin Douen, Histoire de la Société Biblique Protestante de Paris, Paris, 1868, p. 404.

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